Mademoiselle C.
Mademoiselle C., petite marionnette, fait pleurer son jeune public de rire, émouvante et magique voix derrière les coulisses de l'émoi, les mains en l'air, le gant blanc qui essuie les fausses larmes, petite couturière à recoudre de fil de lin ou de soie, les madras et boutons des vestons, petite lingère les mains entre les draps, à repasser les faux plis d'hier, et parfumer les nouvelles taies au lotus et au cédrat.
Petite cuisinière prépare de bons petits plats, des tartes, des pains d'épices, des recettes exquises d'autrefois, et depuis peu des pains frais, qui donnent à ses matins, la couleur de l'aube en fête.
Petite ménagère époussette son passé, les meubles de bois, la vitrine des puces, son plumeau de rêve, elle l'agite du bras droit. Elle lustre le parquet, elle danse comme une poupée à remonter, elle fait des ronds dans son salon, le sol brille comme un miroir, la passion sent bon la cire, elle patine sa vie, offre à sa peau un merveilleux glacis, le secret de la finition? De doux baisers et de vraies émotions, enfermées dans une boite métallique, à chaque caresse du chiffon, leurs coeurs se gonflent comme un soufflet d'accordéon.
Devant le castelet en bois, la joie tambourine entre les mains des spectateurs. Dans leurs prunelles, l'innocence pétille. Mademoiselle C. a recueilli dans les poches de son tablier, quelques papiers froissés, un bracelet de larmes, petits riens qui frissonnent au bout de ses doigts de fée, une gourmette qui résonne. Deux voyelles, trois consonnes.
Doucement la salle se vide. Le rideau rouge vient de tomber. Mademoiselle C. rêve d'échanger les rôles, pour un soir et un seul, jouer la soeur, la femme, l'amante, la belle, celle qui sait lire l'amour au fond des yeux.