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Captures de mots au jardin de Chrissette.
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11 octobre 2009

Katelle chez les Morgans. Conte d'inspiration bretonne. Adaptation Chrissette

Ceci est le script d'une pièce de théâtre de marionnettes que nous avions mise en scène dans le cadre d'un atelier. J'ai joué le rôle de Katelle.

Katelle chez les Morgans.

Conte d'inspiration bretonne.



"Peu après jadis, bien avant maintenant, quand hier était demain et aujourd'hui encore à naître,

c'était au temps où le plus vieux chêne de Bretagne n'était encore qu'un gland.

Au loin sur la mer, Ouessant lutte contre vents et tempêtes. Les marins redoutent ses côtes, car, dit-on

"qui voit Ouessant voit son sang".

Aussi, pour les habitants de l'île, la mer est la vie, la mort, l'horizon.

Rien d'étonnant à ce que la légende peuple cette mer

d'êtres étranges."

Je suis Katelle, une jeune fille espiègle et curieuse. Je vis avec les miens dans un village niché dans

un cortège de rochers de granit.

Notre maison, blottie contre les vents offre une seule ouverture sur l'océan: La lucarne de ma

chambre.

Je suis très contemplative. J' aime noyer mon regard dans ce miroir.

Je me raconte des histoires sans fin. Mes souvenirs voguent à l'horizon...et mes regrets aussi

viennent s'échouer sur le sable.

Du coucher de lune au retour des marins, rien ne m'échappe.

Assise sur la plus haute branche de mon arbre imaginaire , je guette le bonheur.

Un matin on annonça au village le départ d'un voilier. Sur la place femmes et enfants se mirent à

chanter danser pour honorer les hommes de la mer. Ils montèrent à bord du navire. Nous agitions

nos mouchoirs, ces petits fanions de l'espoir flottaient au-dessus de nos têtes, tandis que s'éloignaient nos pères, frères et amis. Petits bouts de toile blanche s'unissant au gris du ciel et aux

ailes des goélands.

Assise sur le haut d'un rocher, face à la mer, je contemple les vagues qui s'écrasent sur des gerbes

d'écume juste au-dessous de moi.

Je plisse les yeux pour tenter d'apercevoir le bâteau, enfin le château des Morgans dont on m'avait tant parlé.

Mais la mer toujours agitée refusait de laisser percer son secret.

Les Morgans, disait-on, étaient les êtres les plus beaux qui soient, des cheveux blonds et bouclés,

des yeux bleus et brillants...J'en rêvais.

On disait que parfois , au clair de lune, ils venaient sur le rivage faire sécher leurs pierres précieuses,

leurs pièces d'or et leurs fils de soie. Ils les étendaient sur des draps très blancs, et on pouvait

regarder, à condition de ne pas battre des paupières, car dès que l'oeil les quittait un seul instant, les

trésors disparaissaient.

Si je m'intéressais tant aux Morgans, ce n'était pas à cause de leurs richesses, mais parce qu'on

murmurait dans le pays que j'étais sans doute la fille d'un Morgan.

On chuchotait derrière mon dos que j'étais beaucoup trop jolie pour etre la fille d'un homme de l'île.

Ces paroles étaient venues à mes oreilles, et je commançais à y croire, malgré les affirmations de ma

mère, car il est toujours très agréable de s'imaginer qu'on vaut mieux que tous.

De surcroît il y avait dans l'île aucun garçon qui me plaise, aucun dont j'aurais pu tomber

amoureuse.

Il me plaisait de me laisser aller à l'idée que le garçon à marier pouvait surgir des flots...

    Aussi, j'avais pris pour habitude de me promener au bord de l'eau. Un jour, alors que je scrutais l'eau pour découvrir enfin le fameux château, je me pris à rêver tout haut.
    - Le mari qu'il me faudrait, c'est un Morgan.

    A peine avais-je prononcé ces mots, que je me sentis glisser vers l'eau. Je poussai un cri effaré: Un Morgan me tenait par la taille et m'entraînait vers le fond.
    Je tentai de me débattre, d'appeler, mais personne m'entendit.
    - De quoi as-tu peur, grimaça le Morgan en me tirant derrière lui. N'as-tu pas ce que tu voulais?
    Je ravalai mes larmes. Je regrettais. Comme je regrettais d'avoir prononcé ces sottes paroles !
    Les algues me chatouillaient le visage. L'eau semblait s'éclairer sur mon passage...Quand le château apparut à mes yeux ,je commençai à me consoler. Tout était si beau ici!

    Le visage du Morgan s'éclaira aussi. Je demeurai suffoquée. Jamais je n'avais vu de ma vie un si beau jeune homme. Lui , me regardait aussi, sans pouvoir détourner son regard d'un si charmant visage.
    Il s'empressa de me présenter à sa Mère, la Reine des Morgans.
    Elle se redressa de toute sa hauteur:
    - Un Morgan ne se marie pas avec une fille de la Terre. Elle pourra être ma servante, c'est tout!
    Et elle devra le prouver, car je ne veux pas ici de bouche inutile. Elle préparera le repas de noce. S'il n'est pas bon elle mourra.
    Le Morgan dépérit à l'idée de devoir épouser une autre jeune femme.
    Le soir même la Reine ordonna que je coiffe sa chevelure d'or.
    Je lui tendis son beau miroir de nacre...quand soudain elle se mit dans une colère furibonde.
    - Mon peigne a disparu! Seul souvenir de feu mon époux!
    Je ne conduirai pas mon fils à l'autel sans ce bijou!

  • Voulez-vous, Reine, une preuve de mon obéissance? Je traverserai la mer pour retrouver votre bien qui vous est si cher. Il a du s'échouer sur le sable au pied de mon rocher. Mais je vous promets de vous le rapporter. Je ne resterai pas là-bas.
    - Tu pourras retourner dans ta famille à ton retour.

    Je m'entourai de quelques Korrigans qui m'ouvrirent le chemin des profondeurs.

    J'interrogeai un coquillage. Puis un crabe. Puis une Bernard l'hermite. Ce dernier s'est souvenu avoir entendu gémir un soir un monstre marin...en effet il avait malencontreusement avalé un objet coupant avec des dents, me raconta-t-il.
    Je questionnai tour à tour un banc de poissons-chat, un mérou et un turbot.
    Le monstre gisait dans une grotte. Le temps coulait doucement.

    Le Morgan se déséspérait. Il comprenait que Katelle était perdue. IL errait tout le jour sans but.

    Quant à moi ma course folle m'avait conduite jusqu'à la porte de la grotte. Je me souvins soudain d'une histoire que m'avait racontée ma grand-mère, au sujet d'une sirène qui chantait. A peine avais-je déroulé ces mots dans ma tête que ma bouche s'ouvrit et je me surpris à entonner un chant.

    Un korrigan prit soin d'éclairer l'antre. Au fil de ma mélodie, le monstre se réveilla. Ma voix semblait avoir le plus bel effet sur sa mâchoire. Il l'entrebaillit et je pus apercevoir l'objet convoité. Je repris de mon plus beau timbre, en y mettant toute la force de mon coeur.
    Dans un baillement accompagné d'un grand râle de bien-être, le peigne tomba hors des rochers. Je le saisis et rejoignis le château.

    Je trouvai le Morgan effondré. La joie sa Mère ne suffit pas à lui redonner confiance. Il savait que désormais mes heures auprès de lui étaient comptées. Il avait les yeux rivés sur le sablier, il ne pouvait retenir ses larmes, sa bien-aimée lui les séchait en vain.

Je retrouvai les miens. La joie s'empara du village. Comme de coutume lors d'un retour en mer, on donna une grande fête. Dans ma famille la vie avait repris son cours, et plus d'un garçon rôdait autour de la maison, faisant sa cour à la plus belle des belles, Katelle.

La réputation de sa beauté était parvenue si loin que des jeunes gens vinrent du continent pour avoir le privilège de l'approcher.

Mais je ne pus attacher mon coeur à aucun, sans savoir pourquoi, je ne parvenais pas à les regarder et me surprenais souvent à soupirer, le coeur plein d'un désespoir que je ne m'expliquais pas.

La nuit, couchée dans mon petit lit, j'entendais des gémissements dans le vent:ce sont les âmes des pauvres noyés qui se plaignent.

Une nuit de tempête, je fus réveillée par un long sanglot porté par le vent. Les embruns de la mer frappaient ma lucarne, la mer s'était déchaînée. On l'entendait mugir, s'acharnant violemment contre les rochers de la côte. Il fallait se blottir au plus profond de son lit, et prier le ciel pour les pauvres marins qui étaient en mer.

Je sentis en moi comme de l'exaltation. Au lieu de me terrer dans mon lit, la tempête semblait m'attirer au-dehors.

Je sortis. Sur le pas de la porte, je fus assaillie par le vent et la pluie. Dans le souffle mouillé qui balayait la lande, j'entendis une voix chaude, une voix aimée qui gémissait. Tout me revint. Mon coeur se gonfla: Mon Morgan m'appelait désespérément. Je courus vers le rivage.

De ce jour, on ne me revit plus jamais. Seuls mes parents avaient deviné ce qui s'était passé, car ils avaient le premier jour reconnu sur moi des vêtements de Morgans. Mais ils ne disent rien.



Certains soirs, la curiosité me pousse à rejoindre les côtes, je les vois se promener le long du rivage. Malgré leur tristesse, ils ne pleurent point, car ils savent que je suis enfin heureuse.

Christiane Kuhk

23 Février 2006

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