Petites merveilles III Au bout de notre monde
Petites merveilles III
Au bout du monde
Parvenu enfin au bout du Monde, je posai mon baluchon
Sur un amas grisâtre et purulent de restes humains.
Le froid retenait sous son étreinte, comme l’aurait fait un bouchon,
Un gaz infâme, suppliant qu’on le libérât, tendant vers moi ses informes mains
La paisible lune roulait benoîtement sur ses hautaines ténèbres.
J’avais avec elle un vieux compte à régler et la toisai d’un œil impavide.
Puis, J’avançai vers le gouffre des éternels décombres
Et, me penchant sur le bord, risquai un œil sur cet immense vide.
Une passerelle levée sur tes pensées dérisoires,
Une bouche effleurée sur un pont, en Mer Egée,
Un canot de sauvetage, une autre histoire !
Les pages arrachées virevoltent dans les embruns d'un soir d'été.
Il a été, ce soir-là, ivre de promesses
Mais aucune il n'a tenue, sinon celle,
Celle de sombrer dans la paresse
De dire oui, de dire non, même aux caresses pour Elle,
Elle qui n'entendait sa vie que par ses oui,
Positive jusque dans les courbes de ses cils
Aimante et rieuse comme la mouette d'ici
Battante par tous les vents, même les plus rudes, elle clamait la beauté de son île.
Qui est là ? Est-ce une voix, un cri d’animal ?
Mais que m’importait. Sourd aux cris des foreuses qui suçaient mon ventre,
Je pleurais joyeusement fixant, d’un air complice, le mal
En son œil unique et froid, l’invitant à m’ouvrir bien plus grand son antre.
Le moment du partage était venu. Il fallait laisser le calme étrange
Me dévorer, me liquéfier, m’imprégner de ses sucs âpres et corrosifs.
Avec un peu de chance, je pourrais devenir un ange ;
Ou tout au moins en prendre l’aspect, les attraits lascifs !
Rodes et Chrissette