Habille le silence
Ce soir je te confie le soin
D'habiller le silence.
Les abysses ont recueilli
Mes dernières stances.
Mes rimes embrassées ont gémi
Au supplice.
Du haut de ta cime
Tu prépares l'offrande.
Tes mains m'encerclent treize fois
Comme pour faire jadis le rondeau.
Elles glissent sur ma peau
Pour échouer sur mes rives.
Tes doigts sondent
La richesse de mon eau,
Ton bois flottant accroche
Mes points et virgules
Et soudain tout bascule
Dans ce présent nouveau.
Ce soir je fais la muette,
Tu aspires de mon hiver âpre
Les futiles oripeaux.
Je me joue des contraintes
Et scande des accents libertins.
Je lâche prise,
Je bannis l'artifice
Et honore le naturel.
Mes mots battent de l'aile
A force de flatter le réel.
Nos sens se démêlent,
Nos corps chavirent
Dans leur forme originelle.
J'aurais pû t'écrire un blason,une villanelle.
Je préfère le grand frisson et la dentelle.
Ma poésie paresse.
Ta hampe caresse mes sommets calins.
Ma plume captive dépose
Sur ton épaule plaintive
Un calligramme à l'encre grenat boréal.
Mes iambes se soumettent
A tes rimes masculines.
Notre nuit enlacée se décline
En une terza rima ultime
Et le temps emporte nos âmes
Dans une valse divine.